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L’agriculture au Québec à la croisée des chemins : quels constats peut-on en tirer?
Publié le 18 décembre 2018 par Nancy Beauregard*
« Croisée des chemins ». Cette expression a été utilisée nombre de fois en 2018 pour qualifier la réalité des producteurs et productrices agricoles du Québec.
Souvent, la direction suivie a pris la forme d’un long chemin parsemé d’enjeux économiques imposés aux producteurs et productrices agricoles du Québec (p. ex. l’ouverture des parts de marchés découlant des accords commerciaux internationaux, l’augmentation des taxes foncières agricoles, l’étalement urbain sur les terres agricoles). Le climat d’incertitude qui en résulte et plane pour bon nombre de producteurs et productrices agricoles est bien réel, avec des répercussions anticipées sur la santé de leurs entreprises (p. ex. une croissance ralentie, une rentabilité diminuée, voire une remise en question de leur viabilité). Récemment, plusieurs ont lancé des appels vibrants à cet égard : cette incertitude économique est un facteur de stress majeur et lourd à porter qui ne peut demeurer non résolu sans occasionner des répercussions sur la santé des producteurs et productrices agricoles également.1,2 Ces appels font d’ailleurs échos à une preuve empirique non équivoque qui s’accumule à ce sujet.3,4
Et puis, il y a ces mouvements de résilience et de solidarité qui se sont organisés et ont pris forme. Question de rééquilibrer la donne quelque peu. On pense notamment aux mouvements de mobilisation citoyenne en appui à l’ensemble du secteur agricole (p. ex. #tousruraux, #gardemangerendanger). Une reconnaissance sociale que l’on sait valorisante, qui donne un sens à la contribution des producteurs et productrices agricoles à la société québécoise et qui s’avère bénéfique pour ces derniers.5,6 On pense aussi aux innovations émanant des acteurs du secteur agricole, à ces solutions de dépassement dont l’implantation rayonne positivement sur la qualité de vie des producteurs et productrices agricoles (p. ex.: la planification réussie d’un transfert d’entreprise).7
Gardons cependant bien en vue qu’à cette croisée des chemins, la direction à prendre pour le développement pérenne de notre agriculture au Québec repose assurément sur le constat suivant : la santé des entreprises agricoles ainsi que celle des producteurs et productrices agricoles ne font qu’un.
Références
* Nancy Beauregard est professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.
1 Magazine Urbania (parution 29/11/2018). Capsule vidéo. Gros plan : la détresse des agriculteurs. Accédé le 29 novembre 2018 : https://urbania.ca/article/gros-plan-detresse-agriculteurs/
2 Terre de chez nous (parution 05/11/2018). La santé psychologique en priorité. Accédé le 29 novembre 2018 : https://www.laterre.ca/actualites/en-region/sante-psychologique-priorite
3 Droz, Y., MieVille-Ott, V., Jacques-Jouvenot, D., et al. (2012). Les conséquences sociopsychologiques des politiques agricoles; Étude interdisciplinaire et comparative Suisse-France-Québec. Genève, Suisse. Accédé le 29 novembre 2018 : http://lasa.univ-fcomte.fr/download/lasa/document/consoppa.pdf
4 Bryant, L., et Garnham, B. (2014). Economies, ethics and emotions: Farmer distress within the moral economy of agribusiness. Journal of Rural Studies, 34, 304-312.
5 Kallioniemi, M. K., Simola, A., Kinnunen, B., et Kymäläinen, H.-R. (2011). Stress in farm entrepreneurs. In J. Langan-Fox & C. L. Cooper (Eds.), Handbook of stress in the occupations. Northampton, MA: Edward Elgar Publishing Limited. p. 385-406.
6 Conseil du statut de la femme (2018). La relève agricole féminine au Québec : portrait d’agricultrices. Québec : 64 pages. Accédé le 29 novembre 2018 : https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/por_releve_agricole_feminine.pdf
7 Suess-Reyes, J., et Fuetsch, E. (2016). The future of family farming: A literature review on innovative, sustainable and succession-oriented strategies. Journal of rural studies, 47, 117-140.