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Devenir adulte après un placement en protection de la jeunesse

Publié le 27 août 2021 par Patrick Tanguay, Coordonnateur intérimaire en réadaptation interne, Centre de réadaptation l'Escale, Direction de la protection de la jeunesse, CIUSSS de la Capitale-Nationale

La transition à la vie adulte représente un défi de taille pour les jeunes placés en protection de la jeunesse. Plusieurs ont vécu des traumatismes importants dans leur milieu familial liés à des abus physiques, sexuels, émotionnels ou de la négligence et ont tendance à entrevoir leur avenir négativement (Cabrera et Auslander, 2007). L’expérience des traumas complexes durant l’enfance peut avoir un impact considérable sur leur fonctionnement social, cognitif, comportemental et émotionnel (Babcock et coll., 2008). Selon nos observations, au CIUSSS de la Capitale-Nationale à Québec, les jeunes placés en centre de réadaptation sont de plus en plus nombreux à présenter des troubles mentaux internalisés (p. ex. dépression, troubles anxieux) ou externalisés (p. ex. troubles de comportement). Ils deviennent « adultes » dans la chronologie, mais ils n’ont pas les capacités développementales et les soutiens externes requis pour bien s’épanouir dans le monde adulte (Blaustein et Kinnibergh, 2015). Certains se tournent vers des stratégies d’adaptation malsaines comme la consommation de substances, l’adoption de comportements à risque, l’automutilation ou l’isolement.

Ces expériences douloureuses peuvent avoir des impacts majeurs sur leur scolarisation et sur leur insertion sur le marché du travail. À peine un jeune placé sur deux détient un diplôme d’études secondaires à la fin des services de protection, au plus tard à l’âge de 18 ans, et obtient un emploi les mois suivants (Fournier, 2018). À ce moment, plusieurs jeunes vivent des épisodes d’itinérance ou des déménagements à répétition. Les jeunes qui ont connu de multiples placements peuvent avoir tendance à éviter les relations de proximité et à se méfier des autres. Ceux qui peuvent compter sur un réseau de soutien sont d’ailleurs en meilleure posture pour vivre cette transition et sont susceptibles de voir les symptômes des traumas (anxiété, dépression, irritabilité, évitement et dissociation) diminuer avec le temps.

Bref, les jeunes qui ont vécu un placement en protection de la jeunesse ont besoin du soutien de la collectivité au moment de leur passage vers la vie adulte : d’accéder à des logements supervisés, d’être accompagnés au sein des services de santé et sociaux, orientés vers des possibilités de formation et de placement ou de recevoir des traitements intensifs, en centre de désintoxication, par exemple.

Plusieurs projets de concertation entre les organismes publics et communautaires jeunesse ont été développés en ce sens dans la région de Québec. L’objectif principal de ces projets est de mettre sur pied un espace de co-intervention pour les jeunes de 16 à 25 ans visant à assurer un filet de sécurité autour de ces jeunes, favoriser leur scolarisation, soutenir leur intégration dans la communauté et leur maintien en emploi. Ils font échos aux principales recommandations de la Commission « Laurent » (Gouvernement du Québec, 2021). Au-delà de ces considérations essentielles, il importe également de faire en sorte que ces jeunes déjà vulnérabilisés par leur histoire ne soient pas, en plus, stigmatisés sur le marché du travail ou dans leur vie personnelle en raison de leur parcours difficile.

Références

  • Babcock JC, Roseman A, Green CE, Ross JM. (2008). Intimate partner abuse and PTSD symptomatology: Examining mediators and moderators of the abuse-trauma link. Journal of Family Psychology; 22: 809–818.
  • Blaustein, M. E., et Kinniburgh, K. M. (2015). When Age Doesn’t Match Stage: Challenges and Considerations in Services for Transition-Age Youth with Histories of Developmental Trauma. Focal Point: Youth, Young Adults, and Mental Health, 29, 17-20. Portland, OR: Research and Training Center for Pathways to Positive Futures, Portland State University.
  • Cabrera, P. et Auslander, W. (2007). Future orientation and relationship to mental health, trauma histories, and risk behaviors in foster care adolescents. Paper session presented at the 11th annual meeting of the Society for Social Work and Research, San Francisco, CA.
  • Fournier, V. (2018). Soutenir l’émergence de dynamiques d’entraide entre pairs afin de faciliter le passage à la vie adulte des jeunes vulnérables. Les pairs, Numéro 2, p. 28-43.
  • Gouvernement du Québec (2021). Instaurer une société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes, Rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, 552 p.