Contribuez à soutenir le Réseau Qualaxia dès aujourd'hui!

Faites un don maintenant par l'entremise de CanaDon.org!

Article

La lutte à l’oppression de genre pour une meilleure santé mentale

Publié le 17 mai 2020 par Philippe Roy (professeur), Zahra Akbari (candidate à la maîtrise), École de travail social, Université de Sherbrooke

Le genre est un important déterminant social de la santé mentale. Il correspond aux normes, rôles, identités et attentes sociales envers les femmes, les hommes et les personnes de diverses identités de genre (Tannenbaum, Greaves, & Graham, 2016). Ensemble, ces facteurs influencent les comportements des individus en regard de la santé mentale ainsi que la perception et la réponse des professionnels envers les besoins de chacun d’eux. Les différences résident dans la façon de prendre soin de soi, l’expression des émotions, et l’offre et la demande de soutien social auprès des proches et des professionnels, entre autres. Ce sont des pratiques par lesquelles les individus se conforment ou résistent aux modèles dominants de féminité ou de masculinité. Les études sur les réalités LGBTQ+ questionnent cette vision binaire (féminin-masculin) et alimentent la réflexion sur de nouvelles perspectives plus inclusives des diverses identités de genre (trans, queer, bispirituelle, etc.).

Notre expérience en santé mentale et prévention du suicide nous rappelle que les problèmes de santé mentale surviennent souvent dans des contextes où les pressions sociales reliées au genre sont excessives ou contradictoires: des hommes qui se sentent honteux de demander de l’aide, ce qui alimente leur détresse, des femmes qui se sentent dévalorisées par rapport aux standards de féminité ou de maternité. Des recherches empiriques réalisées dans différents contextes soutiennent ces observations, en voici quelques exemples: l’angoisse de performance (de genre) et le mythe de la mère parfaite sont liés aux symptômes dépressifs et anxieux chez les mères en dépression postpartum (Goron, Dupuis, des Rivières-Pigeon, Bédard, & Reeves, 2017); chez les hommes, ceux qui adhèrent trop fortement aux normes masculines sont plus à risque de dépression et d’idéations suicidaires que les autres hommes (Roy et al., 2014; Wong, Ho, Wang, & Miller, 2017). Enfin, la violence et l’exclusion reliée à l’homophobie et à la transphobie affectent négativement la santé mentale, surtout lorsque combinées à d’autres formes d’oppression, comme le racisme (Lee, 2019; Vargas, Huey Jr., & Miranda, 2020).

L’oppression reliée au genre doit être considérée comme un enjeu de justice sociale puisque toute personne a le droit d’être elle-même, libre des pressions sociales pour se conformer à une vision rigide et restrictive de genre (Pullen-Sansfaçon, 2013). Cette lutte à l’oppression de genre exige de transformer les normes, rôles et relations de genre qui ont un impact nocif sur la santé mentale des individus et entretiennent des inégalités sociales entre différents groupes (Tannenbaum, Greaves, & Graham, 2016). Il faut aussi souligner la résistance des individus, des familles et des groupes engagés vers une plus grande égalité de genre et une plus grande solidarité humaine. Heureusement, plusieurs provinces et pays se sont dotés de plans d’action en santé basés sur l’égalité de genre. Au Québec, le Ministère de la Santé et des Services sociaux a produit le Plan d’action en santé et bien-être des femmes (2010-2015) et celui des hommes (2017-2022). Notons également la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres, adoptée en 2016 par l’Assemblée nationale du Québec. Ces politiques sociales contribuent à une meilleure reconnaissance sociale et juridique de l’égalité de genre.

Ce dossier sur le genre et la santé mentale est soutenu par des valeurs d’inclusion et de solidarité. C’est pourquoi il n’est pas limité à un seul genre. Il s’ouvre plutôt aux perspectives empiriques qui révèlent la complexité du genre et des concepts associés. On y présente donc des recherches sur la santé des femmes, des hommes et des personnes de diverses identités de genre. Nous espérons que ce dossier pourra appuyer la prise en compte de la dimension de genre à tous les niveaux de la recherche et de l’intervention en santé mentale: promotion, prévention, traitement et rétablissement.

_____________________________________

L’autrice et l’auteur remercient la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université de Sherbrooke pour la participation financière à la rédaction de ce dossier.

Références

Goron, S., Dupuis, G., des Rivières-Pigeon, C., Bédard, M. J., et Reeves, N. (2017). La dépression postnatale, un diagnostic spécifique? Analyse des causes perçues par les mères en dépression postnatale et non postnatale: Perspective qualitative. Devenir, 29(4), 267‑291. https://doi.org/10.3917/dev.174.0267

Lee, E. O. J. (2019). Responses to Structural Violence : The Everyday Ways in Which Queer and Trans Migrants with Precarious Status Respond to and Resist the Canadian Immigration Regime. International Journal of Child, Youth and Family Studies, 10(1), 70‑94.

Ministère de la Santé et des Services sociaux. (2010). Plan d’action en santé et bien-être des femmes 2010-2013 (Prolongé jusqu’en 2015). Québec: MSSS. Repéré à https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-000718/

Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. (2017). Plan d’action ministériel Santé et bien-être des hommes 2017-2022. Québec: La Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux. Repéré à https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001952/

Pullen-Sansfaçon, A. (2013). La pratique anti-oppressive. Dans E. Harper et H. Dorvil (Éds), Le travail social. Théories, méthodologies et pratiques (pp. 353‑373). Montréal: Presses de l’Université du Québec.

Roy, J., Tremblay, G., Guilmette, D., Bizot, D., Dupéré, S., & Houle, J. (2014). Perceptions des hommes québécois de leurs besoins psychosociaux et de santé – Méta-synthèse. Québec: Masculinités et Société.

Tannenbaum, C., Greaves, L. et Graham, I. D. (2016). Why sex and gender matter in implementation research. BMC Medical Research Methodology, 16(1), 145. https://doi.org/10.1186/s12874-016-0247-7

Vargas, S. M., Huey Jr., S. J. et Miranda, J. (2020). A critical review of current evidence on multiple types of discrimination and mental health. American Journal of Orthopsychiatry, https://doi.org/10.1037/ort0000441

Wong, Y. J., Ho, M.-H. R., Wang, S.-Y. et Miller, I. S. K. (2017). Meta-Analyses of the Relationship Between Conformity to Masculine Norms and Mental Health-Related Outcomes. Journal of Counseling Psychology, 64(1), 80‑93.

Dossier(s) associé(s)

Sexe, genre et santé mentale