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L’obésité et les troubles de santé mentale : un lien toujours aussi problématique

Publié le 3 décembre 2017 par Ahmed Jérôme Romain

Tout d’abord, il est important de noter que les personnes ayant un trouble de l’humeur (p. ex., le trouble bipolaire) connaissent toujours une surmortalité précoce de 15 à 25 ans par rapport à la population générale. Si les suicides occupent une part certaine de cette surmortalité, les maladies respiratoires, cardiovasculaires et leurs complications en représentent une part considérable (jusqu’à 69 %). Ces maladies ont souvent un point de départ commun : l’obésité.

En effet, l’obésité est particulièrement présente chez les personnes ayant un trouble de l’humeur, si bien que 40 à 55 % d’entre elles en sont affectées. L’obésité est également associée à une augmentation des tentatives de suicide et à une diminution de l’efficacité des antidépresseurs.

En vue de comprendre dans quelles mesures la présence de troubles de l’humeur était un facteur aggravant de l’obésité, nous avons récemment comparé, selon plusieurs paramètres, des personnes ayant une obésité exempte de trouble de l’humeur (n = 1198) et des personnes ayant une obésité associée à un trouble de l’humeur (n = 100). Parmi ces paramètres, il y avait les comorbidités physiques (p. ex., pression artérielle, asthme, diabète), le bien-être psychologique et la santé mentale (p. ex., troubles anxieux, détresse psychologique, qualité de vie) et les comportements de santé (p. ex., activité physique, tabac, nutrition).

Les résultats étaient sans appel. Les personnes ayant une obésité et un trouble de l’humeur avaient un risque trois fois plus élevé d’être touchées par des comorbidités physiques. Elles avaient également trois fois plus de risques d’avoir une multimorbidité physique (au moins trois comorbidités physiques simultanément). Si on s’intéresse à la santé mentale, ces personnes avaient un risque jusqu’à 24 fois plus élevé de rapporter une faible santé mentale, 12 fois plus de risques d’avoir un trouble anxieux, et six fois plus de risques d’avoir une faible qualité de vie. Quant aux comportements de santé, 78 % de ces personnes étaient inactives (contre 66 %) et 30 % étaient fumeuses (contre 21 %).

Bref, les résultats vont tous dans le même sens. Il semblerait que le trouble de l’humeur soit un facteur potentiellement aggravant de l’obésité sur tous les plans. Toutefois, l’obésité ne devrait pas être considérée comme une fatalité ou une conséquence inéluctable de la prise de psychotropes. Par contre, il est grand temps d’accorder une place plus importante à la prévention de la prise de poids chez les personnes ayant des troubles mentaux sévères. En fait, la modification des habitudes de vie (p. ex., activité physique, alimentation, tabac) a prouvé son efficacité quant à la prévention du gain pondéral chez des personnes prenant des psychotropes, et les professionnels formés (p. ex., kinésiologues, nutritionnistes) existent. Ainsi, il faut maintenant se demander comment les intégrer auprès des personnes concernées pour améliorer leur qualité de vie afin que la première partie du présent blogue devienne obsolète.

Références

A.J. Romain, J. Marleau, A. Baillot. Impacts of obesity and mood disorders on psychological well-being, comorbidities, health behaviours and use of services. Journal of Affective Disorders 225 (2018), 381-388

A.J. Romain. An ounce of prevention outweighs kilograms of weight loss. Psychiatry Research (2017), epub ahead of print

A.J. Romain, P. Bernard. Élargir les soins somatiques en psychiatrie à la prévention. L’encéphale, 43 (2017), 298-299