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Soins en collaboration et formation des professionnels : utiliser des approches pédagogiques innovantes en milieu de pratique
Publié le 27 avril 2020 par Ariane Girard, inf., M. Sc., candidate au doctorat recherche en sciences de la santé, Université de Sherbrooke
Offrir des soins en collaboration aux personnes avec des problèmes de santé mentale peut occasionner plusieurs défis pour les professionnels qui travaillent dans des cliniques de première ligne comme les groupes de médecine de famille (GMF). Par exemple, le plan de traitement est souvent complexe, car il peut inclure plusieurs types de traitements et de services dont l’accès est parfois difficile. Ces défis peuvent aussi être liés à un manque de précision quant aux rôles et responsabilités des membres de l’équipe ou encore à la communication entre les différents prestataires de soins et de services 1-2. La formation des professionnels de soins de première ligne et des spécialistes en santé mentale (p. ex. les psychiatres) liée aux soins en collaboration apparaît comme une stratégie importante pour optimiser la collaboration interprofessionnelle 3-4.
Cependant, former les professionnels de soins de première ligne comme les médecins de famille ou les infirmières, ainsi que des spécialistes en santé mentale, peut sembler complexe considérant le temps requis pour former et réunir une variété de professionnels qui ont déjà une importante charge de travail. De plus, étant donné que chaque milieu détient ses particularités (type et nombre de professionnels impliqués, trajectoire locale de services, méthodes de communication, etc.), il s’avère primordial que la formation soit conçue pour que les professionnels puissent intégrer leurs apprentissages à leur contexte de pratique5.
Des initiatives ont d’ailleurs été élaborées dans cette direction. Par exemple, une équipe du CIUSSS de la Capitale-Nationale, formée d’une travailleuse sociale et d’un médecin de famille, a développé une formation à l’intention des professionnels de GMF sur les soins en collaboration pour le traitement des troubles mentaux courants. Ces deux professionnels offrent leur formation à des groupes d’environ 15 intervenants d’un même GMF où du contenu théorique est présenté en alternance avec des ateliers de groupe basés sur des situations cliniques rencontrées par les participants.
Dans le même ordre d’idées, un programme de formation a été mis au point par une équipe de l’Arizona State University dans le but de former des équipes de soins de première ligne à l’intégration des services de santé mentale au sein de leur clinique. La formation est donnée à l’aide d’une plate-forme web auprès de groupes d’intervenants d’une même clinique à raison d’environ une à deux heures par semaine. Un expert présente d’abord du contenu théorique (p. ex. modèles d’intégration des services, rôles et responsabilités des membres de l’équipe) et discute ensuite de cas cliniques préalablement soumis par les participants, et ce, en s’appuyant sur des recommandations soutenues par des données probantes. La plate-forme de formation et les méthodes pédagogiques utilisées proviennent d’un modèle de formation connu sous le nom de « project ECHO »6. Ce modèle de formation a initialement été développé par une équipe de chercheurs de l’University of New Mexico pour faciliter le partage des connaissances entre des spécialistes et des intervenants généralistes œuvrant dans des contextes de soins éloignés ou avec des clientèles vulnérables.
Ces initiatives démontrent l’intérêt grandissant pour la formation des professionnels aux soins en collaboration pour les personnes avec des problèmes de santé mentale, ainsi qu’au développement de méthodes pédagogiques innovantes en milieu de pratique, en misant sur l’expertise des spécialistes et des technologies de l’information. Par contre, des études sont nécessaires pour évaluer la mise en œuvre de ce type de formation et leur impact sur les pratiques collaboratives et la santé mentale des patients.
Références
1. Wood, E., Ohlsen, S., et Ricketts, T. (2017). What are the barriers and facilitators to implementing Collaborative Care for depression? A systematic review. Journal of Affective Disorders, (214), 26-43.
2. Overbeck, G., Davidsen, A.S., et Kousgaard, M.B. (2016). Enablers and barriers to implementing collaborative care for anxiety and depression: a systematic qualitative review. Implementation science, (11), 1-16.
3. Sunderji, N., Allyson, I., Huynh, D., Benassi, P., Ghavam-Rassoul, A., et Carvalhal, A. (2018). Advancing Integrated Care through Psychiatric Workforce Development: A Systematic Review of Educational Interventions to Train Psychiatrists in Integrated Care. The Canadian Journal of Psychiatry, 63(8), 513-525.
4. Girard, A., Ellefsen E., Roberge P., Carrier, J.D., et Hudon C. (2019). Challenges of adopting the role of care manager when implementing the collaborative care model for people with common mental disorders: A scoping review. International Journal of mental health Nursing, (28), 369-389.
5. James D. K. et Wendy. K.K. (2016). Kirkpatrick’s four levels of training evaluation. ATD press, VA, USA.
6. Hager, B., Hasselberg, M., Arzubi, E., Betlinski, J., Duncan, M., Richman, J. et Raney, L. E. (2018). Leveraging Behavioral Health Expertise: Practices and potential of the project ECHO. Approach to virtually integration care in underserved Areas. Psychiatric services, (69), 366-369.