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Un enjeu de santé publique incontournable
Publié le 1er novembre 2010 par Michel Vézina et Louise St-Arnaud
Les deux dernières décennies ont été marquées par de profondes transformations du travail et des liens d’emploi. Au chapitre de l’organisation du travail, les changements se sont surtout caractérisés par une intensification du travail imposée par de nouveaux modes de gestion, entraînant une augmentation de la cadence et du rythme de travail, un contrôle plus serré de la production individuelle et la chasse aux temps morts. En somme, une recherche poussée du fonctionnement optimal avec un minimum d’effectifs. Dans un contexte d’intensification du travail, cette réduction de l’autonomie du travailleur accroît la tension par manque de temps, d’information et d’interactions utiles avec les collègues ou le supérieur hiérarchique.
Les transformations du travail ont souvent été analysées pour les bienfaits économiques qu’elles procurent aux entreprises dans un marché mondialisé. Toutefois, plusieurs études ont montré que de telles tensions au travail, subies durant de longues périodes, peuvent entraîner l’apparition de maladies diverses affectant la santé mentale, de même que le système musculo-squelettique ou cardiovasculaire. Ces conséquences entraînent d’importants coûts sur les plans économique et social comme en témoigne notamment l’augmentation continue de l’absentéisme au travail pour des problèmes de santé mentale, lesquels représentent la principale cause d’absentéisme de longue durée.
L’identification des aspects de l’organisation du travail globalement plus nocifs que les autres nécessite le recours à des modèles validés. Ces derniers identifient certaines dimensions psychosociales de l’environnement de travail dont l’effet pathogène sur les travailleurs exposés est prouvé par des données empiriques. En plus de réduire la complexité de la réalité psychosociale du travail à des composantes significatives en fonction de risques pour la santé, ces modèles facilitent l’élaboration et la mise en œuvre d’interventions préventives en milieu de travail. Il existe actuellement deux modèles de risques psychosociaux reconnus internationalement en raison de leur apport considérable aux connaissances scientifiques sur l’importance des liens entre certains phénomènes sociaux et psychologiques au travail et l’apparition de plusieurs maladies. Le premier modèle, appelé « demande-autonomie-soutien au travail » (ou modèle de Karasek), repose sur le constat qu’une situation de travail qui se caractérise par une combinaison de demandes psychologiques élevées, d’une autonomie décisionnelle et d’un soutien social faibles, augmente le risque de développer un problème de santé physique et mentale. Le second modèle, appelé « déséquilibre : effort/récompense » (ou modèle de Siegrist), repose sur le constat qu’une situation de travail caractérisée par l’association d’efforts considérables à des récompenses minimes s’accompagne de réactions pathologiques sur les plans émotionnel et physiologique.