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Un programme d’accès à la psychothérapie: prise deux

Publié le 12 octobre 2020 par Martin Drapeau, Ph. D., psychologue et professeur de psychologie du counselling et de psychiatrie à l'Université McGill, et Alain Lesage, M.D., psychiatre et professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie, Université de Montréal.

Le 8 octobre dernier, la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, proposait la mise sur pied d’un programme d’accès public universel à la psychothérapie. Nous avons déjà abordé sur ce blogue les besoins urgents pour un accès accru à la psychothérapie, l’efficacité de la psychothérapie ainsi que son économicité. Nous avons aussi abordé certains paramètres à prendre en considération quant aux coûts, soulignant au passage que l’accès à la psychothérapie ne serait véritablement possible qu’en mettant à contribution les psychologues en cabinet privé.

Il est absolument indéniable que la santé mentale dans le système de santé public québécois est drastiquement sous-financée, le budget y étant consacré étant d’environ 6% du budget total en santé alors que les problèmes de santé mentale représentent près du quart de l’ensemble des problèmes de santé1. On ne peut dès lors être surpris d’apprendre que malgré un plan d’action en santé mentale qui prévoyait un délai maximal de 30 jours pour obtenir un premier rendez-vous, une personne sur quatre doit attendre plus d’un mois pour être vue par un psychologue. Dans plusieurs régions, les délais pour une évaluation en santé mentale sont largement supérieurs et peuvent atteindre plusieurs mois. Même dans les cas d’urgence, le système public est loin d’être optimal; 6% des visites aux urgences sont liées à des problèmes de santé mentale (près du tiers de ces visites sont pour des troubles dits légers et 37% sont pour des troubles modérés).  Les personnes en détresse attendent en moyenne 2 heures et 13 minutes pour une prise en charge, et plus de 8 heures pour voir un psychiatre (le tiers des visites à l’urgence font l’objet d’une consultation psychiatrique)2.

Le système public ne peut suffire seul à répondre aux besoins. Dans une étude publiée en 2014, nous avons rapporté que les psychologues et psychothérapeutes estimaient que nous devions à la fois créer de nouveaux postes dans le système public pour offrir de la psychothérapie et miser sur les ressources disponibles dans les cabinets privés.  Environ la moitié des psychologues canadiens exercent au Québec. Le Québec possède ainsi l’un des plus hauts ratios de psychologues per capita, avec 11 psychologues par 10 000 habitants, ce qui représente le double de la moyenne nationale3.  Or, 30% des psychologues exercent en cabinet privé seulement, comparativement à 12% en centre hospitalier et 8.6% en CLSC; plusieurs exercent à la fois dans le système public et en cabinet privé. Par ailleurs, près de 1600 professionnels détenant un permis d’exercice de la psychothérapie s’ajoutent aux 8700 psychologues québécois. Le Québec possède donc une main d’œuvre professionnelle hors du commun. Encore faut-il aller la chercher. Y compris au privé.

Références

1. Hewlett, E. et Moran, V. (2014). Making Mental Health Count: The Social and Economic Costs of Neglecting Mental Health Care, OECD Health Policy Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264208445-en.

2. Commissaire à la santé et au bien-être du Québec (2017). Utilisation des services d’urgence en santé mentale et en santé physique au Québec. Disponible à https://www.csbe.gouv.qc.ca/fileadmin/www/2017/Urgences/CSBE_Rapport_Urgences_2017.pdf

3. Peachey, D., Hicks, V., et Adams, O. (2013). An imperative for change: access to psychological services for Canada. A report of the Canadian Psychological Association. Disponible à https://cpa.ca/docs/File/Position/An_Imperative_for_Change.pdf